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    Haïti : violence et politique





    vendredi 12 janvier 2007






    Par Laënnec Hurbon [1]



    Soumis à AlterPresse le 8 janvier 2007



    Une chaîne de signes nous met devant la
    dure évidence d'un pouvoir qui sort de ses rails et reconnaît son
    impuissance à correspondre à sa visée première et essentielle, celle
    d'assurer la sûreté (protection que l'État accorde aux citoyens contre
    l'arbitraire et pour la conservation de ses biens et de ses droits) et
    la sécurité (de la vie) de chacun. Si l'État dispose, selon la
    philosophie politique traditionnelle, du monopole de la violence
    légitime, l'Exécutif haïtien y renonce en partie à travers la décision
    de négocier avec des bandits.



    Au départ, il est bon de rappeler la
    toile de fond actuelle sur laquelle se détache cette négociation. Peu
    après les élections du 7 février dernier, des kidnappeurs sont comme
    par enchantement libérés. La plainte déposée aux États-Unis contre
    Aristide est levée. Des fonctionnaires suspects de corruption sont
    remis à leur poste. Dans une commission gouvernementale on introduit un
    porte-parole autoproclamé de l'opération Bagdad. Une opération qui a
    endeuillé tant de familles par le vol, le viol, le kidnapping et la
    destruction d'un marché où périrent une douzaine de commerçants et où
    des dizaines d'autres ont vu périr dans les flammes toutes leurs
    marchandises.



    Enfin, un concept dit d'apaisement
    social prétend imposer sur la seule base des inégalités sociales une
    interprétation de la criminalité galopante et de la barbarie qui
    l'accompagne. Argument auquel fait chorus la MINUSTAH pour justifier
    son parti pris et sa passivité. Mais on n'explique pas pourquoi les
    victimes des bandits sont de toutes les catégories sociales et pourquoi
    en grande majorité ce sont les pauvres. La barbarie qui consiste à
    violer des enfants, à les assassiner, puis à enlever des cars remplis
    d'écoliers relève de l'incroyable pour la population, toutes classes
    sociales confondues. En sorte que chacun, dans la capitale notamment,
    finit par vivre sous la menace de kidnapping, de viol et d'assassinat,
    donc dans la plus grande insécurité.



    L'État au service d'un groupe



    Au-delà de l'amalgame entre une
    institution étatique à forte épaisseur historique et un groupe de
    bandits qui ne représentent que les milieux de la criminalité, il
    importe de considérer la conception de l'État et du politique que
    présuppose le principe d'une négociation avec des bandits.



    En effet, dans cette perspective le
    pouvoir n'a plus pour tâche de défendre ce qu'on appelle l'universel,
    il déchoit dans la défense des intérêts particuliers ; il ne fonctionne
    plus pour l'ensemble des citoyens sans exception, car il semble prendre
    sur lui d'assurer d'abord la protection des bandits. Mais ne nous
    empressons pas d'imputer au pouvoir une mauvaise foi, il doit
    probablement avoir une conception bien particulière des bandits, qui
    lui permet de comprendre et de s'expliquer le regain actuel de
    criminalité.



    Les bandits criminels seraient-ils les
    pauvres qui décident maintenant de prendre leur revanche ? Je pourrais
    donc, comme pauvre, entrer par effraction dans n'importe quelle maison,
    accaparer l'argent, les bijoux, les voitures, les femmes et les
    enfants ? Cela signifierait que le bandit aurait tous les droits ; dans
    l'acte criminel, il est en effet sa propre loi comme un petit roi
    tout-puissant, qui n'a plus aucune limite, aucun cran d'arrêt à ses
    désirs, c'est ce qui explique qu'il peut aller jusqu'à des actes de
    barbarie.



    Une négation de la démocratie



    En soustrayant le bandit à la loi,
    l'État ne fait que pervertir le principe de la lutte de classes dont il
    dévie totalement le sens vers une pratique populiste. On accorderait
    donc aux bandits la possibilité de représenter les pauvres, et même de
    disposer du droit de la majorité. Le pouvoir en ferait sa base
    principale et leur serait redevable. Or c'est précisément par là que le
    pouvoir adopte une position antidémocratique, car il cesse de se
    laisser guider par une politique du bien commun. C'est en effet dans la
    recherche du bien commun que le pouvoir instaure un va-et-vient de
    discussions et de décisions avec tous les groupes sociaux constituant
    la nation et qu'il pourra déterminer comment soutenir avec équité les
    revendications de ceux qui sont dans la pénurie ou qui sont exploités.
    Mais avec la dérive populiste dans la violence et la soumission aux
    diktats des délinquants qui se mettent en dehors de la loi, l'État
    prendra nécessairement la pente de la corruption et aboutira peu à peu
    à contribuer lui-même à la destruction du lien social et à la
    désorganisation de la vie économique, par quoi le pays connaîtra
    davantage de pauvreté.



    S'il n'y a plus d'universalité de la
    loi, c'est-à-dire s'il y a éclipse de la loi, suspension de la loi qui
    peut frapper celui qui la viole, le pays plongera dans les ténèbres de
    la barbarie, ce qui correspondrait fort bien à l'anathème d'Aristide : « il fera nuit la nuit comme le jour, si la démocratie n'existe pas »
    (traduction : « si moi Aristide je ne fais pas mes cinq ans, ou si moi,
    je ne reviens pas en Haïti » ou encore « la démocratie c'est moi,
    Aristide ». En soustrayant le bandit à la loi, l'Exécutif parvient à se
    mettre à la place du système judiciaire. À ce moment, et l'État, et le
    politique, et l'ordre symbolique qui permettent à la société de se
    tenir debout, dans la mesure où ils constituent son épine dorsale,
    viennent à vaciller, et nous tombons facilement sous le paradigme du
    Rwanda : le bandit a les mains libres pour tuer et kidnapper, voler et
    violer, car l'État et le pouvoir se sabordent et provoquent leur propre
    naufrage.



    Le fantasme du pouvoir absolu



    C'est la Loi qui fait que chaque
    Haïtien peut reconnaître en un autre individu un être humain et qui
    maintient constamment la possibilité d'un avenir pour la société comme
    société humaine. Logiquement, il est impossible que la négociation avec
    les bandits puisse « donner de bons résultats », elle se retournera
    même tôt ou tard contre les tenants actuels de l'Exécutif, à moins que
    ces résultats se confondent avec l'absolu du pouvoir politique établi
    qui serait le pouvoir absolu.



    L'acte du kidnapping ne serait-il pas
    avant tout le retour du fantasme du maître qui voit dans l'esclave le
    bien meuble qu'il peut échanger contre de l'argent ? N'est-ce pas là un
    processus de zombification : le fantasme d'un pouvoir absolu ? Que
    Aristide se déclare le kidnappé des grandes puissances, et qu'il ait
    des partisans pour reprendre ses dires, n'est-ce pas un stratagème pour
    ouvrir le chemin à la justification du crime du kidnapping comme
    punition pour toute la société par la réduction de chaque Haïtien à
    l'état d'esclave° ? Bien entendu, Aristide serait à lui seul tout le
    pays. Comme un tyran, ou un dictateur romain. Comme Néron. Comme
    Caligula.



    La force de l'État : la force de la loi



    Est-ce qu'on ne peut pas dire par
    exemple que le gouvernement est trop faible et qu'il hérite d'une
    situation dans laquelle il ne disposerait pas tout à fait des forces
    nécessaires pour combattre le banditisme ? Le rapport de forces est
    obligatoirement en faveur de l'État, car il a pour lui la loi, une
    force plus puissante que les armes à feu, il peut alors sur cette base
    mobiliser la nation et entrer en campagne pour mettre en défaite le
    banditisme par des arguments fondés sur la raison et la morale. Mais ce
    n'est pas suffisant, encore faut-il qu'il cherche les moyens adéquats
    de répression prévus dans la Loi pour assurer la sûreté et la sécurité
    des vies et des biens. On est pouvoir exécutif parce qu'on est en
    mesure de chercher et de trouver ces moyens qui ne seront jamais et qui
    ne pourront jamais être des appuis offerts à des bandits. Sous la
    condamnation unanime (de nombreux citoyens, de diverses associations,
    de personnalités proches des droits humains, du Parlement, ...) de la
    négociation avec des bandits, le pouvoir déclare chercher désormais à
    les traquer. Mais la vigilance doit plus que jamais s'imposer.



    Seul le retour au principe de la
    sanction et de la peine pour les actes de banditisme, tel que la Loi le
    prévoit dans son universalité- et cette perspective n'a rien d'abstrait
    ni d'idéaliste- peut manifester le respect pour la souffrance des
    victimes (qui appartient à toute la société) et ouvrir la voie à la
    sûreté et à la sécurité pour tous. Ce sont là les conditions
    nécessaires pour que la pauvreté recule, car alors les investissements
    seront possibles et le développement ne sera pas un slogan et un simple
    vœu ; la lutte contre les inégalités sociales se fera plus vraie et
    plus efficace. Choisir l'axe de la légalité et de la justice, c'est se
    mettre en condition d'ouvrir le chemin du développement et de s'assurer
    du soutien de toute la société haïtienne, comme de l'ensemble de la
    communauté internationale.




    [1] Sociologue. Directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique-Paris).

    Professeur à l'Université Quisqueya









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  • Comme vous le savez tous ...

    The Godfather of Soul nous a quitté ce lundi 25 décembre...

     

    Strictly Niceness lui souhaite de reposer en paix . 


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    +/ Baron Samedi : Trop vieux pour le rap (CDR)
    +/ Spanky Wilson & The Quantic Soul Orchestra : I'm thankful (Tru Thoughts). LP
    +/ Quantic : An annoucement to answer (Tru Thoughts). 2LP
    +/ J Dilla : Jay Dee Donuts (Stones Throw). 2LP
    +/ Nina Simone : West Wind Amp Fiddler Rework (White). 12 inch
    +/ The Bamboos : step it up (Tru Thoughts). LP
    +/ Aloe Blacc : Shine Through (Stones Throw). CD
    +/ Gnarls Barkley : St Elsewhere (Warner). LP
    +/ Nostalgia 77 : The Hope suite (Tru Thoughts). 12inch
    +/ Uman : En avant toute (PIAS).CDR
    +/ Alice Russell : My favourite letters (Tru Thoughts). 2LP
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    +/ The Roots : Game Theory (Okayplayer/ DefJam). 2LP
    +/ Breakout : Planet Rock part 1 & 2 (Melting Pot). 7inch
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    +/ V/A : Big Apple Rapping Vol 1&2 (SoulJazz). 4LP
    +/ V/A : The Kings of Digging presented by Dj Muro, Kon & Amir (BBE).2CD
    +/ V/A : Panama ! latin, calypso and funk on the isthmus (Soundway). CD
    +/ Darondo : Let my people go (Ubiquity/Luv N Haight). LP
    +/  All Jazzman and Funk 45 reissues
    +/ Chocolat's : El Caravanero (Salsoul). 12 inch

     

    Wishing a prosperous 2007 to : Eleven, Bernard Dobbeleer, Dj Reedoo,
    Simon Le saint, Uman, BlackSheep and Pares (Xtra large flyers !!), Will
    Quantic, Stan Bugaloo & Crew, Ame & After Hours, Grazz and
    Family, RAB Kings, Bla & Onda Sonora Crew, Brekbit, United European
    Funkateers Association, Jacques Duvall, Vero Christa, Seg, Mod X (still
    waiting for your instrumentals boy !), Leandro & Bubbles (PT
    Gauteng for life), Paul Murphy, Tru Thoughts Crew (please send records)
    Ben Lambdin aka Nostalgia 77, Balo, Lefto, Gruyere Roger, All @ Café
    Bota (where i break my back for money), K Bonus, Obscur Jaffar, Math
    Cool J & all @ Ouaga (Façon Faso, you sure know the deal), all my
    family & peeps in Port-Au-Prince ( you know what struggling means,
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